Afgantsy: The Russians in Afghanistan, 1979-1989

L’ancien ambassadeur britannique en Russie, Rodric Braithwaite, nous livre ici une histoire de la guerre soviétique en Afghanistan qui vaut que l’on s’y attarde.

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Plutôt que de raconter le déroulement des campagnes, Braithwaite souhaite nous faire partager ce qu’a été le quotidien des milliers de soldats engagés dans le pays. L’ouvrage revient d’abord en détails sur la décision politique d’intervenir militairement en Afghanistan. Il rappelle le contexte particulier des luttes de pouvoir au sein du gouvernement afghan et des rivalités au sein des communistes locaux eux-mêmes, montrant ainsi les manipulations réciproques entres Soviétiques et Afghans. Il n’oublie pas d’évoquer le contexte international, et montre comment les membres les plus interventionnistes  du Politburo ont rappelé que les Américains abandonnaient la détente en rejetant les accords SALT II, finançant les missiles MX et les bombardiers B1 et déployant les Pershing en Europe, et qu’ils ont voulu éviter une percée américaine sur le flanc sud.

Après l’analyse du contexte politique, Braithwaite raconte avec force détails le coup d’Etat et la prise du pouvoir par les clients des Soviétiques. La narration de l’assaut donné au palais présidentiel vaut celle d’un thriller d’action, et l’on apprécie la variété des perspectives que l’auteur analyse.

Mais le cœur de l’ouvrage est constitué par une étude fouillée de ce que l’on peut appeler « l’expérience » des troupes de l’Armée Rouge en Afghanistan. L’auteur raconte les conditions de vie des soldats (allant jusqu’à évoquer la taille des tentes), étudie les relations entre troupes d’élites et troupes régulières ou entre civils et militaires, évoque les aspects les plus honteux (comme les trafics, les brimades ou l’ouverture du feu sans discrimination) mais aussi les heures de gloire, etc. Cette étude est passionnante est donne à voir le quotidien de cette armée restée dix ans dans le pays.

Les sources de l’auteur sont principalement russes, complétées une série d’entretiens avec d’anciens soldats. Ne parlant pas russe moi-même, je ne peux pas me prononcer sur la pertinence des ouvrages et articles cités, mais le résultat final est particulièrement convaincant.

Au fil de l’ouvrage se dégage l’impression que tout ce que la stratégie de l’ISAF essaye d’accomplir (former les forces de sécurité afghanes, assurer un système de gouvernance un tant soit peu viable et promouvoir des normes culturelles rejetées par le contexte local) a déjà été tenté sans succès par les Soviétiques. L’auteur ne fait rien pour atténuer cette impression, et suggère de lui-même le parallèle à plusieurs occasions. Cet aspect est certainement le moins réussi du livre, car il n’admet pas explicitement qu’il effectue une comparaison (se privant ainsi de la rigueur méthodologique qui doit accompagner le comparatisme en histoire ou en science politique), et crée donc une distorsion de la perception du conflit actuel conduisant à des banalités du type: « l’histoire se répète ».

Néanmoins, malgré ce menu défaut qu’il est facile de surmonter, l’ouvrage de Braithwaite est une référence pour tout lecteur intéressé par la campagne soviétique en Afghanistan. Ceux qui recherchent une analyse des tactiques ou des campagnes resteront sur le faim (mais peuvent se référer à l’excellent ouvrage de Mériadec Maffray), tandis que ceux intéressés par le contexte politique et la vie au jour le jour d’une troupe d’occupation seront comblés.

Olivier Schmitt

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