Makers of Ancient Strategy: From the Persian Wars to the Fall of Rome

Cet ouvrage dirigé par l’historien controversé Victor Davis Hanson (qui pense que l’art de la guerre occidental se caractérise par la recherche de la bataille décisive et donc la destruction de l’adversaire) se veut un complément à l’ouvrage classique publié en 1943 par Edward Mearle et mis à jour en 1986 par Peter Paret.

hanson

Le livre rassemble ainsi une série de chapitres sur l’art de la guerre dans le monde antique, écrits par des universitaires confirmés (Hanson, Goldsworthy, Heather, Kagan, Strauss, Worthington), des jeunes prometteurs (Berkey) ou des journalistes vulgarisateurs et auteurs à succès (Holland). L’introduction de l’ouvrage, écrite par Hanson lui-même, ne surprendra aucun des lecteurs habitués à ses travaux antérieurs. Il y développe son idée que l’art occidental de la guerre est intrinsèquement supérieur, et que la plupart des dilemmes stratégiques contemporains ont déjà été rencontrés par nos prédécesseurs grecs et romains, aux sources desquels il convient de se plonger. Autant l’on veut bien admettre que la nature de la guerre est éternelle et que seule sa forme change, autant l’on a du mal à suivre Hanson lorsqu’il compare le mur entre les Etats-Unis et le Mexique avec les murs d’enceinte bâtis autour d’Athènes. De même, bien qu’il s’en défende et que les autres auteurs de l’ouvrage évitent de tomber dans ce piège, Hanson laisse transparaître à plusieurs reprises ses préférences idéologiques (il est très proche des néo-conservateurs), par exemple lorsqu’il compare les guerres médiques à un « conflit de civilisations ».

Les autres contributions sont inégales, comme c’est malheureusement souvent le cas dans les ouvrages collectifs. On retiendra néanmoins les excellents chapitres de Berkey sur les fortifications, de Lee sur la guerre urbaine dans le monde antique ou de Goldsworthy sur César. Beckley montre ainsi que l’érection d’un mur d’enceinte a été source d’orgueil et de fierté pour Athènes, et qu’en plus de sa fonction stratégique,  il a permis la protection des classes populaires, fortifiant ainsi le système politique athénien et garantissant l’existence d’une main d’œuvre pour sa puissante marine. De son côté, Lee fournit une brillante description du combat urbain au niveau tactique, montrant les équipements et l’emploi des forces, tout en narrant les débuts de la poliorcétique. Enfin, Goldsworthy livre une fine analyse du style de commandement de César et du lien qu’il avait réussi à tisser avec ses légions, fournissant ainsi un admirable exemple de commandement.

Malheureusement, on peut relever quelques absurdités dans d’autres chapitres, par exemple lorsque Hanson (encore lui) pense pouvoir attribuer, contre les travaux historiques, une stratégie de préemption à Epaminondas lorsqu’il mène Thèbes à la guerre contre Sparte et Athènes en 370 av. J.-C. Ou encore lorsque Kagan ressort des platitudes de la théorie réaliste des relations internationales quand il rappelle la destruction de Melos par les Athéniens, un fait que beaucoup de réalistes interprètent comme un axiome intangible de la politique internationale alors que les recherches récentes montrent les faiblesses de cette interprétation (voir l’analyse de Thucydides par Lebow).

En fait, la principale faiblesse de l’ouvrage est son incapacité à trancher entre les deux publics potentiels auxquels il s’adresse. Pour les spécialistes d’histoire antique, les auteurs passent beaucoup trop de temps à résumer les situations, ce qui réduit nécessairement la profondeur de leurs analyses et de leurs interprétations. Mais du coup, en voulant également s’adresser à une audience contemporaine pour lui fournir des éléments de réflexion sur les dilemmes stratégiques actuels à la lumière des expériences passées, l’ouvrage reste dans le vague et est finalement de peu d’intérêt. Par exemple, à la lecture du chapitre de Holland sur les guerres médiques, on comprend bien qu’il veut tisser un parallèle avec la lutte contre le terrorisme. Pourtant, on se demande quelles leçons en tirer? Dans quels domaines l’analyse des activités militaires perses doit-elle nous inspirer: la propagande, le renseignement ou la faculté de construire des coalitions? La même question se pose à la lecture de plusieurs chapitres: so what? Et puis je suis peut-être conservateur, mais je suis mal à l’aise en lisant le terme « contre-insurrection » juste avant « Rome antique »: les concepts ont eux aussi des histoires.

Léger pour les spécialistes du monde antique et d’utilité moyenne pour ceux qui s’intéressent aux questions stratégiques, cet ouvrage mérite quand même sa place dans les bibliothèques, principalement faute d’alternatives sérieuses. Et si l’on peut faire abstraction des défauts sus-mentionnés, il serait dommage de passer à côté de quelques chapitres d’une réelle qualité: un livre à lire de manière sélective.

Olivier Schmitt

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