Voici un livre intéressant pour tous les amateurs d’histoire navale. Malcolm Murfett, enseignant à la National University of Singapore, a écrit une histoire de la guerre navale entre 1919 et 1945 chaudement recommandée pour avoir une vision d’ensemble du sujet. Malheureusement, le texte suppose un ensemble de connaissances techniques qui l’empêchent d’en faire un ouvrage d’introduction: à conseiller donc à ceux qui disposent déjà d’un bon savoir sur le sujet, et l’utiliseront comme l’ouvrage de référence régulièrement consulté pour se rafraîchir la mémoire sur un point précis.
Le premier chapitre sur la guerre navale entre 1919 et 1939 s’égare entre l’histoire diplomatique, l’histoire des techniques et l’histoire politique. En revanche, une fois la guerre commencée, la qualité de la prose de l’auteur et son érudition apparaissent. Il rappelle des évènements généralement oubliés tels que la bataille de Syrte ou l’évacuation soviétique d’Odessa, tout en offrant une lecture nouvelle d’évènements plus connus comme l’opération Cerberus, que les Britanniques interprètent comme une preuve de leur incompétence opérationnelle mais qui marque en fait la fin de la stratégie allemande de « flotte en vie » qui paralysait une partie des capacités britanniques. En fin historien, Murfett montre que la victoire n’a jamais été acquise par la seule supériorité matérielle, mais que l’interopérabilité des différentes armées, leur capacité à apprendre de leurs échecs ou les qualités de commandement d’individus clefs ont joué un rôle majeur dans le résultat des batailles. Néanmoins, l’auteur ne se limite pas aux dites batailles, et l’une des grandes forces de son livre est d’évoquer la guerre des mines ou les défenses côtières, ainsi que la guerre sous-marine. Le sous-titre de l’ouvrage n’est pas usurpé: il s’agit d’une histoire opérationnelle très détaillée combinant les descriptions des batailles et la description des développements technologiques tout en fournissant suffisamment d’éléments sur les situations politico-stratégiques nationales et internationales pour replacer les batailles dans leur contexte. Il s’agit ainsi réellement d’un tour de force dans la rédaction, l’ouvrage restant toujours fluide et agréable à lire. Certains pourront regretter l’absence de plus de réflexions stratégiques, mais l’auteur ne livre pas une réflexion sur l’articulation entre le seapower et la grande stratégie: il reste fidèle à son projet de restituer une histoire opérationnelle du conflit. Avec plus de 500 pages de texte scrupuleusement référencé et une bibliographie de plus de 40 pages, l’ouvrage est ainsi une ressource inestimable pour les lecteurs intéressés par le sujet.
L’ouvrage a néanmoins quelques défauts. Tout d’abord, l’auteur prend pour acquis un nombre considérable de détails techniques sur le fonctionnement d’une marine de guerre: comme indiqué, ce n’est clairement pas un ouvrage destiné aux débutants. L’ouvrage comprend également de nombreuses cartes (19), mais dont la résolution laisse à désirer et malheureusement placées en fin d’ouvrage. De plus, seulement l’une d’entre elles représente le mouvement des navires, et aucune ne représente un engagement. Cette relative paresse de l’éditeur est agaçante car elle suppose un effort du lecteur, obligé de naviguer entre le texte et les annexes en imaginant lui-même le déroulement d’une opération.
Néanmoins, malgré ces défauts, l’ouvrage remplit son objectif: être la ressource incontournable sur la guerre navale durant la Seconde Guerre Mondiale, qui sera utile aussi bien aux étudiants qu’aux enseignants en histoire militaire, d’autant que sa réédition en couverture souple le rend accessible à toutes les bourses.
Olivier Schmitt