Dans cet ouvrage, Michael D. Matthews, officier de l’Air Force, enseignant-chercheur en psychologie et professeur à l’académie militaire de West Point, tente de montrer la manière dont la psychologie, en tant que discipline, va avoir une influence croissante sur la préparation et la conduite des opérations militaires. Le résultat est un ouvrage un peu trop général et fourre-tout, mais qui contient des éléments intéressants.
Matthews commence son ouvrage par une présentation du développement historique de la psychologie militaire aux Etats-Unis, et un survol des principales institutions de recherche publiques, semi-publiques et privées dans le domaine. La psychologie militaire, comprise comme l’utilisation de méthodes cliniques pour améliorer la performance de l’institution militaire (et non pas comme l’étude des membres de cette dernière), émerge en 1917, avec la création par des psychologues des premiers tests de personnalités servant à affecter au mieux les soldats en fonction de leurs compétences. Aujourd’hui, la recherche dans le domaine s’effectue directement au sein des armées américaines, par le financement de programmes de recherche au sein des universités ou d’entreprises privées. Le champ est donc actif et dynamique.
Après cette introduction historique, l’auteur fait le tour des défis contemporains de la gestion des armées et entreprend d’illustrer l’apport de la psychologie. En premier lieu, la sélection et la formation des soldats peuvent continuer à bénéficier des progrès récents de la recherche, notamment ce que l’auteur appelle la « psychologie positive ». La recherche psychologique peut également être employées pour améliorer les performances cognitives des soldats, notamment en adaptant la doctrine à ce que l’on sait de la manière dont le cerveau trie et opère les informations; permet d’améliorer leur résilience morale face à des situations difficiles (et traiter les cas de syndrôme de stress post-traumatiques), faciliter l’intégration des minorités dans les rangs, améliorer nos connaissances sur les qualités nécessaires au commandement des troupes (et donc sélectionner en entraîner les officiers de manière appropriée), etc. L’ouvrage se conclut par une discussion intéressante des questions éthiques qui se posent à un psychologue lorsque son travail consiste explicitement à améliorer la compétence au combat d’une armée, des interrogations partagées dans d’autres sciences sociales (rappelons-nous les débats entre anthropologues au moment du lancement des Human Terrain Teams).
L’ouvrage n’est pas inintéressant, mais reste malheureusement trop vague: on a souvent l’impression d’une sorte de tour d’horizon général des défis qui se posent à l’armée américaine (présentation synthétique généralement de qualité), qui se conclut par une admonestation de l’auteur se limitant à « là aussi, la psychologie a un rôle majeur à jouer pour aider les armées ». Comment? Pourquoi? Je comprends bien que l’auteur fasse un ouvrage généraliste, mais il aurait été intéressant de vulgariser quelques concepts de psychologie pour le lecteur afin de lui faire saisir comment la psychologie pourrait jouer ce fameux rôle majeur. Cette lacune est d’autant plus frustrante que Matthews décrit à l’occasion certains concepts (par exemple dans le chapitre sur le leadership), et il est surprenant qu’il ne le fasse pas de manière systématique. On est également un peu surpris de le voir défendre le rôle de la psychologie, par exemple pour comprendre les cultures étrangères: on aurait plus attendu qu’il s’agisse du rôle de l’anthropologie ou de la sociologie. Ce chapitre est d’ailleurs l’un des plus vagues du livre, et ressemble un peu à une tentative de mettre sous le label « psychologie » toutes les disciplines des sciences sociales liées de près ou de loin à la compréhension de l’Autre.
Au final, un ouvrage pas inintéressant, mais trop général et un peu frustrant qui, contrairement à ce qu’avance son sous-titre, ne convainc pas réellement du fait que la psychologie soit en train de « révolutionner » la guerre.
Olivier Schmitt (Center for War Studies)