A Military History of the Cold War, 1944-1962

Voici un ouvrage particulièrement intéressant, dont la lecture est recommandée pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire militaire et à l’histoire des relations internationales. Jonathan M. House souhaite ici se pencher sur les aspects militaires de la Guerre Froide, montrant ainsi leur influence sur les développements politiques. Ce rappel des contraintes militaires est salutaire, en particulier car un certain nombre d’internationalistes (historiens ou politistes) tendent à oublier le poids des logiques militaires sur la prise de décision dans leurs analyses de la Guerre Froide.

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L’ouvrage revient sur certaines des confrontations majeures du début de la Guerre Froide, comme la guerre civile grecque, la guerre civile chinoise, la guerre de Corée ou les conflits de décolonisation. A chaque fois, l’évènement est rapporté sous l’angle de sa logique militaire, et les évènements sur le terrain sont reliés aux décisions politiques. L’ouvrage en devient particulièrement intéressant, puisqu’il permet de rendre la Guerre Froide « réelle » en montrant les rapports de force militaire, à rebours de nombre d’histoires qui limitent le conflit à ses aspects idéologiques et en restent au niveau de la grande politique. Or, le grand mérite du livre de Jonathan House est de rappeler les liens constants entre aspects politiques et aspects militaires du conflit. Par exemple, on comprend mieux les débuts difficiles de la Guerre de Corée lorsque l’on apprend que l’armée américaine de 1950 n’a plus rien à voir avec celle de 1945, la plupart des vétérans ayant été démobilisés (il s’agit donc d’une armée de conscrits sans expérience du combat) et les effectifs réels des unités n’étant en général que les deux tiers de leurs effectifs théoriques. Le chapitre sur la création de l’OTAN rend compte d’une manière limpide des dilemmes stratégiques se posant aux dirigeants occidentaux en insistant sur le déséquilibre des forces en Europe face aux Etats communistes. House est particulièrement pédagogique sur l’utilité militaire de chaque unité: il accompagne son lecteur non seulement en décrivant les unités déployées, mais également en expliquant leur rôle, et leur importance. A ce titre, le livre constitue parfois une introduction particulièrement bienvenue à l’emploi de l’outil militaire.

L’autre grande force du livre est qu’il ne se limite pas au théâtre européen. Outre la prise du pouvoir en Chine par les communistes et la guerre de Corée précédemment évoqués, House consacre un chapitre complet (et bien fait) aux guerres françaises en Indochine et en Algérie, aux insurrections aux Philippines et à Taïwan, ainsi qu’à la fin des empires britanniques et portugais. Dans un chapitre particulièrement intéressant, il raconte « l’entrée » des Etats-Unis au Moyen-Orient, après l’humiliation franco-britannique de Suez, lors de la peu connue opération « Blue Bat » au Liban, en 1957.

Résumer 18 ans d’opérations militaires dans le monde comme le fait House est un tour de force, et il est inévitable de perdre en détails ce que l’on gagne en amplitude de vue et en synthèse. De ce point de vue, l’ouvrage réussit à trouver le bon équilibre entre précision et concision et, cerise sur le gâteau, le style est clair et facile à lire. L’appareil critique placé en fin d’ouvrage permet également de facilement approfondir tel ou tel point, et l’on apprécie la présence de plus d’une vingtaine de cartes.

Au final, il s’agit clairement d’un ouvrage à recommander aux politistes et aux historiens travaillant sur la Guerre Froide, et l’on attend avec impatience qu’un deuxième tome étudie la période 1962-1989.

Olivier Schmitt

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